Résidence d’auteur 2020 : Philippe Mignon
La Fondation a conduit, à la satisfaction générale, une première résidence d’artiste avec l’illustrateur jeunesse Philippe Mignon.
Cette résidence s’est organisée en partenariat avec l’association La Licorne et le Dragon, du 16 août au 15 octobre 2020.
La Fondation Louis Jou, créée en 1975, s’est fixée pour objectif la conservation et la mise en valeur de l’œuvre de Louis Jou par tous les moyens qui permettront de révéler ou de faire mieux connaître le talent exceptionnel de ce typographe, graveur, imprimeur, illustrateur. S’il fut considéré de son vivant comme une référence absolue en matière de réalisation d’ouvrage et reconnu comme un expert dans le monde de l’édition, après sa mort son œuvre est restée célèbre et continue d’être très recherchée pour un grand nombre des titres qu’il a édités.
Mais à côté de cet aspect historique essentiel pour le reconnaissance de Louis Jou, La Fondation se met de plus en plus en relations avec tous ceux : artistes, professionnels, associations qui œuvrent à la fabrication et à la diffusion du livre et qui s’emploient, avec une énergie sans faille à le faire vivre et à l’intégrer par les moyens les plus divers aux pratiques culturelles du plus grand nombre.
C’est pourquoi nous avons décidé de travailler avec l’Association La Licorne et le Dragon qui s’est donnée pour objectif : activités convergentes vers le livre et la lecture. Tout au long de l’année, et ce depuis le 19 juin 2011, La Licorne et le Dragon est un acteur de la vie littéraire dans plusieurs villages des Bouches-du-Rhône ainsi qu’à Paris : festivals, lectures, rencontres d’auteurs, conférences, rétrospectives, théâtre, évènements nationaux autour du livre et de la lecture : Nuit de la Lecture, Semaine de la Langue française, Dis-moi-dix-mots, le Printemps des Poètes, etc., arts plastiques, cinéma… et pour 2020, l’accueil de 3 auteurs en résidence : Marie-Christine Gordien, Christophe Guichet et Philippe Mignon.
Les auteurs résidents étaient invités à développer des projets d’écriture littéraire (roman, poésie, théâtre, jeunesse, illustrations) avec la possibilité de croiser d’autres champs artistiques et d’écritures dont celui de l’œuvre de Louis Jou.
La Licorne et le Dragon, n’ayant pas de lieu permanent, propose ses projets à des partenaires : mairies, fondations, associations, médiathèques, librairies, théâtres, et aussi particuliers. Cette résidence est mise en place, sur le conseil de la DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour donner un espace et un temps de travail aux auteurs devant mener à la réalisation d’une œuvre littéraire destinée à l’édition. Elle est soutenue activement également par la mairie des Baux-de-Provence.
Au vu de ses réalisations, de sa ténacité, nous avons pensé qu’il serait intéressant de rassembler nos efforts et pour notre première collaboration, nous sommes heureux d’accueillir un artiste dont il nous a semblé que la démarche aurait intéressé, séduit même Louis Jou : il s’agit de Philippe Mignon qui a choisi de travailler l’anamorphose. Technique particulièrement délicate et qui fait appel aux qualités que Jou appréciait tant : rigueur, précision, mises au service de la beauté.
Philippe MIGNON
En 1976, alors que je commençais à envisager de quitter l’architecture pour me consacrer au dessin - ma vraie passion - j’ai eu l’occasion de visiter la magnifique exposition sur les anamorphoses organisée conjointement par le Rijksmuseum d’Amsterdam et le musée des Arts décoratifs de Paris. Ce fut une vraie révélation. Je me suis documenté sur le sujet, ai fait l’acquisition – en plus du catalogue intitulé Chasse à travers les collections du musée de François Mathey – du livre Anamorphoses de Jurgis Baltrusaitis et de tout ce que je pouvais trouver sur le sujet.
Quelques années plus tard, étant devenu illustrateur, j’ai rejoint l’équipe de Gallimard jeunesse. Pour la collection Folio junior, j’ai surtout illustré des classiques (Flaubert, Maupassant, Kipling, Andersen, Grimm, Daudet, Aymé…) mais j’avais toujours l’idée de développer des projets autour de la géométrie. Les premiers, pour les éditions Nathan jeunesse furent consacrés aux labyrinthes. Ces livres m’ont amené à en dessiner pour des jardins. On peut encore en voir à Chantilly et dans la maison de Colette à Brive-la-Gaillarde.
Mais c’est pour les éditions Actes-Sud junior que j’ai pu enfin – grâce à l’encouragement de Madeleine Thoby – réaliser un album d ‘anamorphoses. Les livres sur ce thème destinés à la jeunesse étaient alors quasiment inexistants. Ils le sont toujours ! Il y avait bien eu le Magical ABC du japonais Mitsumasa Anno et le petit livre-boîte de la collection secrets chez Gallimard jeunesse, dont le format trop petit ne permettait pas d’apprécier les images. Je tenais à un format suffisamment grand pour que les dessins y prennent toute leur ampleur. Ils représentaient tous des créatures mythologiques que l’on découvrait grâce à un miroir cylindrique. Un texte introductif racontait que cet ensemble d’images avait été découvert d’une manière fortuite dans les collections du château d’Ambras, en Autriche, réunies par l’archiduc Ferdinand II, collections qui constituaient le premier grand cabinet de curiosités de l’histoire. J’aurais voulu appeler cet album Le Miroir aux chimères. Le titre ayant déjà été pris, ce fut Les Secrets d’un miroir.
Cet album est à présent malheureusement épuisé depuis des années et aucun autre n’est venu le remplacer. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de redessiner des anamorphoses (un bison pour Lascaut III, des autruches, nandous, etc pour le nouveau zoo de Vincennes) et ai toujours le projet de faire un nouvel album avec de nouvelles images plus spectaculaires, dont la technique se rapprocherait de celle des peintres animaliers du Muséum d’Histoire Naturelle. On y trouverait des anamorphoses d’éléphant, rhinocéros, zébu, yack, dromadaire, autruche, etc une place importante étant consacrée aux animaux disparus (dodo, thylacine, etc.). Ils y feraient leur réapparition dans un miroir ! Quelques animaux imaginaires, dans l’esprit de ceux que j’ai dessinés dans l’album Éléphasme, rhinolophon, caméluche et autres merveilles de la nature (éditions des Grandes Personnes) pourraient y être « cachés », ainsi que 2 ou 3 créatures mythologiques (licorne, dragon et une locale, la Tarasque !)
L’idée serait également de trouver la forme idéale pour un tel livre, les images étant parfaitement « lues » quand les pages se trouvent à plat. On peut penser à une spirale ou à la place d’un livre traditionnel, une solution plus proche du portfolio, peut-être dans un boîtier contenant un demi-cylindre miroir. Ce sont toutes ces recherches qui pourraient être développées dans le cadre d’une résidence à la Fondation Louis Jou, sise en un lieu où le livre sous toutes ses formes est omniprésent et sous l’égide de La Licorne et le Dragon, association porteuse de bons présages...